Témoignage
Week-end GRAF Mai 2024
Le 18/05/2024 par Bon Gladys
Mi-mai : je reprends l’historique des échanges et la longue liste des manips, à savoir faire les yeux fermés, que nous a laissé Ben (notre guide).
Je vais jusqu’à emmener un bout de corde et de la quincaille au bureau en espérant refaire des manips…
Tentative échouée…
Pas facile de tout concilier.
J’hésite à suspendre mes filles à des arbres ou dans une falaise pour les moufler mais elles ne sont pas d’accord.
Tant pis… j’emmène le mémento. On verra sur le trajet.
Vendredi 18 mai : J’ai hâte de retrouver les filles, hâte de revoir la montagne, hâte de faire joujou avec la corde. Je pense que j’en ai parlé à toutes les personnes que j’ai croisé ces 15 derniers jours.
Flo (notre Présidente à Besançon, « maman » des grafettes – ex-grafette promo1 – initiatrice alpinisme) nous a encore concocté un joli programme et dégotté un lieu d’hébergement très chouette. Ce soir, elle vient même récupérer mes sacs. Elle pourra dormir plus longtemps demain matin : j’irai chez elle direct à vélo. Le rendez vous est fixé à 5h.
Samedi 19 mai – 4h : Je m’éclipse le plus discrètement possible de la chambre. Je ferme mon dernier sac, rempli ma thermos. Au moment de la mettre dans le sac, elle m’échappe et je réveille la maisonnée…
Mamaaaaaaaaaan !!!
Oups ! Raté !
Je prends quelques minutes pour câliner petit chat qui redemande sa gougoutte. Faut pas traîner.
43 bisous, 10 gratouilles et 5 câlins plus tard, ma progéniture hurle toujours dans les bras de son papa qui finit par me mettre dehors.
J’attrape mon sac, descend les escaliers 4 par 4, ouvre la porte du garage et sors mon vélo supersonique. Je n’ai pas le temps de fermer le garage, les pleurs de mini-pousse se sont déjà arrêtés. C’EST QUI L’PAPA ???
L’air frais me défroisse et termine de me réveiller. J’adore les levers aux aurores pour aller au grand air !
J’arrive chez Flo avec 10 min de retard mais elle connaît ma ponctualité… Elle ne se formalise pas. Je la soupçonne d’avoir intégré mon retard au rétroplanning.
Jérôme qui co-encadre ce week-end est là aussi.
C’est sympa de le retrouver. C’est la première fois qu’on va en montagne ensemble.
Nous prenons la route, direction Le Loutelet.
Là-bas, nous retrouvons Ben, Gladys et Marjorie (présidente du club de Pontarlier et ex-grafette – promo 1) qui co-encadrera ce week-end.
Cette fois, c’est parti direction Cham. Flo a réservé la benne de 9h30.
Avec Jérôme, à l’arrière du camion de Ben, on a déplié une corde et on révise nœuds et manips. Ça fait tellement plaisir de remettre le nez là dedans ! Je suis crevée mais contente.
Nous retrouvons Isaline dans son camion qui termine de se préparer. La veinarde vient de se lever. Elle boucle son sac.
Eurielle et Aurélie qui viennent de Châlon et Lydie sont là aussi.
Sur la place au pied du téléphérique de l’aiguille, c’est plutôt calme. Il est 9h. On est bons !
On nous propose de monter de suite dans la benne.
Ben temporise : on va prendre le temps de se dire bonjour, de se briefer, de faire les cordées et on prendra notre benne à l’heure.
On est tellement contentes de se retrouver et de monter là-haut ! Ça y est : ça rigole, ça discute. Nous terminons de nous équiper. Benne 38 : C’est à nous !
Au dessus, on enfile les crampons et sortons la corde. C’est la descente de l’arrête de l’Aiguille !
Les cordes ont été enlevées et la trace différe de celle que nous avions suivie au mois de février. Mon petit côté poisson rouge fait que je n’ai absolument pas remarqué et c’est Gladys qui me décrit l’itinéraire que nous avions pris ensemble trois mois plus tôt.
Nous prenons pieds sur le glacier. C’est brouillard aujourd’hui et risque 3 sur 4 côté avalanches.
Nous n’irons pas dans les pentes raides… aujourd’hui c’est révisions : mouflage et réchappes.
Nous prenons la direction du refuge des Cosmiques et nous arrêtons juste en dessous. Là une belle pente juste au pied d’une petite arrête sera parfaite pour simuler des chutes.
Nos encadrants prennent très à cœur notre formation. On nous laisse faire, réfléchir, acquérir la logique des manips. Au fur et à mesure les gestes se précisent, les hésitations sont moins fortes et la confiance gagne du terrain.
Corps mort, mouflage boucle, mouflage simple, mouflage double… On essaie tout : les machards, les ti-blocs, les poulies traction, les micro tractions et même les nano tractions ! Tout y passe !
De toute façon, il faudra faire et refaire et rerefaire…
Viennent ensuite les chutes. Au début, on ose pas trop puis finalement on se prête au jeu et les glissades commencent à ressembler à de vraies glissades. Ici, on peut se tromper. Nous avons enlevé nos crampons pour ne pas nous blesser, nous pouvons lâcher le piolet, lâcher nos anneaux de corde, faire toutes les erreurs possibles, nous sommes en sécurité.
Alors nous testons, glissons, remontons, glissons à nouveaux sous le regard professionnel de notre guide et formateur qui nous glisse des infos et trucs à savoir au fil de l’eau.
La journée se termine. Des orages sont annoncés. 16H : on met les voiles.
Nous arrivons au gîte. Incroyable endroit vestige de l’histoire de la vallée. Chalet fait de bois. On voit entre les planches qui constituent les murs. Moi qui bosse dans la thermique du bâtiment, ça me fait mal aux yeux. Mais je me laisse charmer par le lieux et son authenticité.
Tout le monde se répartit dans les chambres et nous ne nous épargnons pas les éternelles négociations entre ronfleurs et « personnes pensant ne pas ronfler ».
Douche, apéro, débrief. L’ambiance est vraiment chouette et sereine ! J’adore entendre Ben avec sa voix calme qui dit « les filles, on y va ».
Voir les sourires sur les visages, la soif d’apprendre, de partager. Lire certaines inquiétudes qui se disent sans trop d’hésitation. La confiance et les liens se tissent. Ça se sent.
On passe à table. Ce soir, c’est Eurielle qui nous a cuisiné un gratin de crozets aux poireaux et un gâteau au citron. On est aux petits oignons.
Pendant le repas, les récits épiques de Marjorie et les boutades de Gladys manquent de nous faire étouffer de rire.
Je me dis que si j’ai des courbatures le lendemain ce sera plus d’avoir ri que des efforts de la journée.
Ben et Flo profiterons d’un très bref instant de silence pour constituer les cordées du lendemain et annoncer le programme : Arrête à Laurence et arrête des Cosmiques.
Dimanche 20 mai : Réveil 7h – décollage 8h15 – Benne 8h45.
Le petit déj est copieux et tranquille.
Les affaires étaient bouclées la veille.
Au départ, on compte les cordes. Petit couac. Nous devons rectifier le tir car les cordes choisies n’étaient pas adaptées.
Note à moi-même : se faire un topo sur les corde simple, à double, de rappel, etc.
Nous arrivons à temps pour la benne et remontons à l’Aiguille.
Ce matin, c’est assez fou, je me sens pousser des ailes. Mon sac est nickel. Tout est fluide : les crampons, la corde, les nœuds. Je suis tellement contente !
Je pars avec Flo. Il fait grand beau c’est magnifique !
Nous reprenons l’itinéraire de la veille qui ressemble à une autoroute cette-fois-ci.
Si hier on brassait encore un peu dans la neige, là, c’est tran-quille !
A l’attaque de l’arrête à Laurence, dernier Briefing de Ben : distances d’encordement, nœuds, vérifications d’usage et consignes de progression en corde tendue.
C’est fou, l’arrête est en conditions hivernales tant il a neigé.
La neige recouvre tellement l’arrête que la progression est vraiment facile. Tellement facile que nous n’imaginons pas les dangers qui peuvent se cacher (corniches, plaques de neige sur dalles de pierre, etc). Ben nous explique les points de vigilance tout au long de l’arrête.
Nous prenons de belles photos. L’endroit est tellement beau. L’esthétique des arrêtes en montagne, c’est quelque chose ! Je retrouve des formes de rochers vues dans les livres d’alpinisme, les sites internet ou les topos. Je me surprends à éprouver la même joie que quelqu’un qui découvre la Tour Eiffel pour la première fois !
Nous arrivons au refuge des Cosmiques.
C’est pas commun comme itinéraire : nous devons franchir une barrière pour atterrir sur la terrasse Sud du refuge. Là, nous devons retirer nos crampons et enfiler d’énormes chaussons de feutre spécialement prévus pour ne pas enlever nos « grosses ».
Nous traversons le refuge avec nos maxi-charentaises et sortons au Nord, côté Arrête des cosmiques.
Le temps que le groupe se rassemble, Ben prends sa pause café.
Un petit point timing et topo à l’abri Simond, un coup de grignotage et Zou !
On s’était dit 11h aux pieds des cosmiques, il est 11h02 !
En levant les yeux au départ, on voit qu’il y a du monde sur l’arrête. Ça bouchonne !
Le topo dit « itinéraire trop fréquenté ».
Un doute me titille puis je me dis qu’il fait beau et que quand même c’est trop chouette d’être là.
Premier bouchon au premier rappel. Ben observe. Il cherche un échappatoire.
Nous tentons un passage du côté nord.
Il mouline Isaline dans la face. Elle brasse et nous fait le passage dans un manteau neigeux épais et pas toujours très cohérent. Elle installe relai et main courante.
En passant derrière elle, on pense toutes « mais quelle femme !!! ».
Passer dans cette face en premier, c’était coton ! Mais on retrouve Isaline avec son sourire habituel qui se confond en excuses pour son relai un peu fouilli mais qui fait le job.
Alors que nous nous regroupons au bout de cette traversée côté Nord pour prendre un rappel qui nous ramène sur la voie normale, on entends un homme hurler sur son groupe. Plusieurs fois… ça fout une sale ambiance.
On se demande toutes ce qu’il a à brailler celui là.
L’ambiance se tend.
Gladys est partie devant dans le rappel et plus rien ne bouge depuis au moins 30 min.
Côté nord, ça caille. On commence à se les geler. Les questions fusent : ben alors ? Qu’est-ce qu’il se passe ? Gladys ! Vas-y ?
Gladys tente de nous expliquer qu’elle ne peut pas descendre. Mais difficile de crier « Y’a une famille désencordée juste derrière moi sur une vire large de 30 cm et 300m de gaz derrière, un maboul qui gueule sur son groupe et qui veut se frotter contre moi et une famille de Suédois qui connaissent pas les manips !!! ». Ça aurait fichu une sale ambiance !
Alors, comme elle est polie, elle s’est contentée de dire « j’peux pas, c’est bloqué en bas, y’a pas la place »
Avec les filles, on tente d’avancer toutes au maximum et de faire passer les cordes pour reconstituer des binômes et tracer notre chemin. Mais…. Force a été de constater que c’était réellement bloqué.
Jérôme est alors arrivé, est passé devant en éclaireur et a tenté de résoudre la situation. Echec !
Ben est arrivé ensuite, un peu agacé : « Alors les filles ! Faut avancer là ! Vous passez devant, vous doublez ! » - petit détail : à ce moment là, il est 14h30 et nous sommes à peine au début de l’arrête.
« Vaness’, tu dis que t’as tes mômes à chercher à la crèche et tu passes !!! ».
Heu…. D’accord mais on est dimanche Ben !
Voyant que rien ne bouge, notre guide bouillonnant nous passe par dessus de la tête et file voir ce qui se trame plus loin.
Jérôme a posé un deuxième relai au bas du rappel. Sur 3m², 10 personnes sont vachées et attendent que le bouchon suivant se délie.
A partir de là, Ben disparaît. Il ne le sait pas encore mais il va passer sa fin de journée à faire la circulation dans les cosmiques !
Du côté des filles dans le frigo du raccourci Nord, l’ambiance se tend un peu. Tout le monde parle en même temps, la communication est difficile. Flo utilise son puissant CHHHHHT d’ex maîtresse de maternelle pour me faire taire et tenter de donner des indications aux filles de devant.
Nous finirons par sortir de notre trou vers 15h30-16h. Et là, je me prépare psychologiquement à dormir dans les toilettes de l’Aiguille ce soir.
Et je me dis qu’avec une Aurélie, une Gladys et le reste du groupe ça nous fera une expérience qu’on racontera à nos arrière petits enfants.
Une fois le soleil retrouvé, le gueulard évacué et le groupe rassemblé, l’ambiance se détend à nouveau et nous allons de bouchons en bouchons avec l’impératif de l’heure de la dernière benne qui se fait pressant.
Les cordées de devant traînent. Je suis encordée avec Aurélie.
Plus loin Ben nous fais signe d’avancer…
L’idée de marcher sur la tête des gens ne nous plaît guère mais la fenêtre s’ouvre : la cordée de devant met vraiment trop de temps à bouger.
Et zou ! Aurélie et moi nous engageons en contournant légèrement le passage principal et doublons deux cordées au relai suivant.
Derrière, ça suit.
On entends Marjorie qui parle en anglais pour encourager et aider la cordée familiale Tchèque à passer un pas de 4 sup.
NB : Cette cordée familiale changera de nationalité à chaque fois que nous parlerons d’elle ce week-end là, parce que finalement, on a jamais trop su d’où ils venaient.
Finalement, ça re-bouche encore un peu plus loin. Ça bloque dans un joli pas de côté, un biais acrobatique qui demande de sortir le piolet en main gauche afin d’attraper un petit bout de réglette et de se hisser dans le début de cheminée qui suit.
Il est 17h bien tassées.
Ben est parti devant et a réussi a faire passer la cordée de Flo et Isaline.
Derrière, on se fait à l’idée de dormir dans les toilettes de l’aiguille.
Je me dit : « On a Gladys et Marjo ! Tout va bien ! Si on se fend la poire comme hier soir, cette nuit inconfortable devrait rester un bon souvenir. ».
En s’engageant dans la dernière longueur, nous comprenons que les salariés de la Compagnie du Mont-Blanc nous attendent pour faire descendre la dernière benne.
« La benne poubelle » comme disent les habitués. Bah oui… en fait, c’est avec cette benne que redescendent les poubelles des centaines de touristes venus admirer la vue du toit de l’Europe aujourd’hui.
Alors on se presse et on presse le reste du groupe.
Ben a parlementé suffisamment pour que deux personnes acceptent de faire des heures supplémentaires.
En réalité, c’est un gros week-end d’alpinisme. Les gens sont venus de partout pour venir jouer à 4000m et ce jour là, les alpinistes étaient plus nombreux que les touristes.
Quelle différence en vrai entre les uns et les autres ? Mis à part l’attirail….
Preuve en est que même les travailleurs d’altitude affirment ne jamais avoir vu ce capharnaüm en 20 ans de carrière.
Dés que nos posons les pieds sur la terrasse de l’aiguille, Lydie se précipite au cou d’Alain pour embrasser son « sauveur ». Ce dernier retrouve instantanément le sourire et l’attente devient moins longue.
Durant 1h de temps au moins, à chaque fois qu’Alain nous demande pour combien de temps en ont les derniers, on doit lui répondre « 5-10min, ils sont juste là ! ».
Finalement, nous récupérons tout notre groupe.
Mais il reste à l’arrière la cordée familiale d’Hollandais qui galère toujours. Jérôme aura pourtant passé du temps à tenter de leur faire gagner du temps… en vain.
Ceux là dormiront dans les toilettes.
La descente dans la benne a des airs de fête, on chante pour nos sauveurs, on prends mille photos. Ce soir, c’est bière, douche chaude et dodo dans un vrai lit. On est tous refaits !!!
18h30. Nous reprenons pieds sur le sol Chamoniard.
Debriefing dans un bar autour de grosses pintes de bières. Ça rigole et ça fait le point.
Notre cher Ben est contrarié mais nous, on est bien contentes. Cette journée nous donne de la matière à rigoler et à chahuter. Finalement, c’est presque ça le plus intéressant !
Lundi 21 MAI :
Aujourd’hui, on va pas se faire avoir comme des bleusards !!!
Direction la Flégère, l’arrête des Evettes et le Pic Janvier.
Itinéraire facile d’initiation / reprise, dans un cadre sublime et surtout…. Peu fréquenté !!!
En effet, nous sommes seuls ce matin là et pouvons prendre le temps de nous préparer à partir, d’effectuer les manips, de répéter, répéter et encore répéter les gestes qui devront devenir des automatismes.
Au fil de la journée, tout devient plus fluide. On sent que tout le monde gagne en assurance. Leader devient soudain possible. Quel bonheur de voir les visages s’éclairer, la confiance grandir chez les copines !
Nous croisons Ben au 2/3 de l’arrête qui semble un peu patrac….
Gastro…. Il rentre.
Bon ben du coup, on aura pas l’occasion de se lasser de notre guide ce week-end !
Nous continuons avec l’intention de boucler la traversée. L’idée cette fois est de ne pas rater l’heure de la dernière benne. Parce qu’aujourd’hui, ça ferme côté Flégère !
Avec Gladys et Marjorie, nous sommes les dernières.
Juste avant le ressaut final, je consulte l’heure. OUPS !
« Les filles, faut descendre ! ».
Nous nous échappons par la droite pour rejoindre les pentes enneigées.
Un micro rappel et nous voilà parties à dévaler 300m de dénivelé sur les fesses.
16h01 : nous sommes de retour aux bennes !
Finalement, ces trois jours se termineront par un moment partagé au gîte autour d’un goûter bien mérité.
Nous abrégeons notre stage d’une journée : La météo n’est pas top, Lydie doit rentrer s’occuper de sa fille, Camille récupère de sa fracture du mois de février (d’ailleurs, elle nous envoie une vidéo d’elle reprenant la marche), Aurélie est absente contre sa volonté et notre guidos est HS.
Nous décidons de garder cette journée pour l’an prochain avec toutes les grafettes de la troisième promo !
Notre prochain rendez-vous est donné au camp d’été.
Nous avons hâte !





